Risque de banalisation (El Watan)

Publié le par Yann

De nouveau une expédition punitive contre des femmes, cette fois-ci à M’sila, où à la cité de Chebilia, des groupes de jeunes ont attaqué et incendié des appartements soupçonnés d’abriter des pratiques de prostitution. Fort heureusement, il n’y a pas eu de victimes à la différence de l’attaque ayant visé le quartier d’El Haïcha de Ouargla qui, il y a quelques années, avait occasionné de graves blessures aux femmes ciblées. Une autre localité, balnéaire cette fois-ci, Tichy, a été le théâtre, il y a deux mois, d’une expédition punitive visant ses hôtels : huit ont été saccagés, quelques-uns incendiés, au motif qu’ils favorisaient le «tourisme sexuel». Dans ces trois cas, l’intervention de l’Etat s’est limitée au déploiement de forces de police pour stopper les manifestants en furie et limiter les dégâts. Les autorités politiques et administratives se sont gardées, elles, de réagir et la justice n’a pas jugé utile de s’autosaisir pour faire la lumière sur ces actes tragiques. C’est elle pourtant – et elle seule – que la loi autorise à agir contre la prostitution clandestine et la cerner comme telle.

La justice doit distinguer le faux du vrai et surtout ne jamais fermer les yeux devant des actes de violence contre les individus et les biens : en dehors d’elle, nul n’est autorisé à verser dans la répression. A la longue, pour nombre de gens, l’absence et la passivité de l’Etat seront vues comme une sorte de permission qui leur est accordée pour se transformer en police des mœurs dans les villes et villages.

Dans un contexte politico-culturel marqué par un rebond du conservatisme, ce type de réaction aura tendance à s’étendre et se développer dangereusement dans le pays. Comme le phénomène de la prostitution n’est plus marginal en Algérie, il y a urgence à ce que l’Etat mette fin à sa politique de l’autruche. Il doit d’abord prévenir ce fléau par une stratégie où se combineraient des mesures sociales et culturelles, et aussi le contrer lorsque de gros intérêts financiers entrent en jeu par le biais de réseaux maffieux. Le vrai danger est là, lorsque de gros sous sont en jeu, même s’il ne faut pas sous-estimer la prostitution occasionnelle qui, dans notre société, n’arrête pas d’affecter les couches les plus fragiles que sont les jeunes femmes et les jeunes hommes.

 

Ali Bahmane
7 juillet 2011, El Watan

Publié dans Ailleurs en Algérie

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