Descentes punitives à M’sila : une famille relève la «passivité» de la police (El Watan)

Publié le par Yann

Livrées à la vindicte populaire dans différents quartiers de M’sila, où elles ont failli être lynchées pour les unes et brûlées vives pour les autres, ces femmes seules, noyées momentanément dans le brouhaha de la chasse aux sorcières, ne baissent pas les bras.

 

Du moins l’une d’entre elles qui, en cette journée du 10 juillet, s’est déplacée au bureau d’El Watan pour relater la nuit d’horreur du 1er au 2 juillet, où sa famille attaquée au cocktail Molotov a failli être brûlée vive, d’une part, et pour dénoncer le silence suspect des magistrats et des services de sécurité qui ont assisté sans broncher aux tentatives répétées de massacre de femmes et d’enfants, d’autre part. «C’est honteux qu’une famille entière de onze membres, dont quatre enfants en bas âge (10, 9, 4 ans et 4 mois), lâche Mme R., ait à subir des assauts répétés durant la nuit du 1er au 2 juillet de la part de délinquants qui se sont acharnés à l’aide de cocktails Molotov à bombarder notre appartement avec l’intention de nous brûler vifs, sans qu’aucune instance de sécurité ne daigne bouger le petit doigt pour assurer la protection de personnes en danger de mort.»

Mme R., mère de 5 enfants, accusée d’exercer le plus vieux métier du monde, n’en revient pas face à cette hargne des riverains à vouloir en découdre avec sa famille en salissant la réputation de ses filles. «Moi, dit-elle, qui ai vécu plus de 12 ans dans ce quartier sans que personne ne trouve à redire.» Pour elle, il est inconcevable qu’un habitant au cœur de la ville de M’sila, au milieu des institutions de l’Etat, se fasse massacrer par une bande de délinquants, sans qu’aucune instance réagisse pour protéger des vies humaines. Et d’ajouter : «Le silence en réponse à nos 120 appels de détresse adressés à la police (3e sûreté urbaine) et la sûreté de wilaya nous a éclairés sur cette velléité de l’administration en charge de la sécurité publique à nous jeter en pâture et être au diapason avec les délinquants.» «Pire, le lendemain, après avoir survécu à la nuit d’horreur de la veille, personne n’a voulu me recevoir pour déposer une plainte. Il a fallu que je me rende au ministère de la Justice le 3 juillet pour que le procureur général daigne accepter ma plainte, et que les services établissent un procès-verbal d’audition.»

 

Nuit d’horreur


Les dérobades des services de police ne se sont pas arrêtées là : après avoir survécu à cette nuit d’horreur, cette famille a été conseillée par le commissaire Hakim de quitter la ville, tout en la rassurant que l’appartement sera sous bonne garde. Dans la nuit du 2 au 3 juillet, la promesse du commissaire Hakim n’a pas tenu face à la déferlante qui a ciblé l’appartement de Mme R. Celui-ci a été incendié, pillé sous le regard des policiers, qui n’ont pas levé le petit doigt pour dissuader ces jeunes en furie, qui s’en sont donné à cœur joie pour jeter une famille entière dans la rue et traumatiser à jamais des enfants, dont le seul tort était d’être là en cette nuit du 1er juillet chez leurs grands-parents. «Au jour d’aujourd’hui, note Mme R., aucune suite n’a été donnée à la plainte contre les auteurs présumés des tentatives de brûler les occupants de l’appartement, qui a été réduit en cendres le lendemain.»

 

Ghellab Smail, El Watan, 22 juillet 2011

Publié dans Ailleurs en Algérie

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